La vision de ce monde par l’américain John K. Galbraith est intéressante à plus d’un titre. D’abord, parce que c’est un économiste réputé, fils d’un économiste très réputé, ensuite, parce que l’Amérique inspire largement l’Europe. Ce qui se passe chez eux se passera plus tard chez nous.
Il présente l’Etat prédateur, « cette nouvelle classe dotée d’un immense revenu personnel qui veut s’emparer de l’Etat et de sa gestion » qui ne veut pas mettre en œuvre un projet idéologique, mais simplement « organiser de la façon qui leur rapporte le plus d’argent, à eux individuellement et en tant que groupe, qui perturbe le moins leur pouvoir et qui leur offre le plus de chances d’être renfloués au cas où quelque chose tournerait mal. Bref ils ont décidé d’agir en prédateurs. »
Il explique ensuite comment ils organisent le pouvoir pour le transmettre des organisations associatives ou syndicales, qui peuvent poursuivre des objectifs sociaux et techniques, aux individus, qui n’en ont pas. « Les chefs d’entreprises ont vu s’esquisser à la fin des années 1970 et dans les années 1980, une possibilité infiniment plus satisfaisante de leur point de vue : le contrôle de l’appareil d’Etat. Aux Etats-Unis, c’est le Parti Républicain qui est devenu l’instrument de cette forme de mainmise des entreprises, […] cherchant à mettre à genoux le système de réglementation. »
C’est l’Etat prédateur. « Une coalition d’adversaires implacables du cadre réglementé dont dépend l’intérêt public, composée d’entreprises dont les principales activités lucratives concurrencent les grands services publics » […] Ces firmes n’ont elles-mêmes aucun attachement à aucun pays. […] Leur raison d’être est de tirer de l’argent de l’Etat, tant qu’elles le contrôlent. » [1] etc., etc.
C’est ainsi que les caisses d’épargne populaires seront supprimées, que des offensives seront menées contre les Caisses de retraite publique et qu’il y a eu un plan de transfert massif du poids de la fiscalité du capital au travail.
Il explique très simplement que « pour faire avaler la pilule de la privatisation, il est d’abord nécessaire de persuader les populations que le système public existant ne marche pas et ne peut être maintenu. »
Enfin « les forces organisées qui défendaient et faisaient avancer le processus de réglementation ont été gravement, presque mortellement affaiblies. Il s’agissait avant tout des associations civiques et des syndicats ». Ainsi peut naître la République-entreprise !
Les institutions sont privées de fonctionnaires indépendants. « La prédation est l’ennemie de l’entreprise honnête et indépendante et particulièrement de l’entreprise durable, celle qui veut simplement vendre à la population et gagner convenablement sa vie à long terme. »
Mais beaucoup d’autres nous expliqueront que tout ceci est en Amérique !
"Des besoins absolus aux besoins relatifs"
[1] James K. Galbraith, « L’Etat prédateur »- Editions du Seuil, septembre 2009 – chapitre 10- l’essor de l’Etat prédateur- p 185 et suivantes..
liste des articles:
0/10: Libérez-vous
1/10: Premières lectures d'économie
2/10: Une économie sans frontière
3/10: L’Etat ne gère plus sa monnaie
4/10: Les voyoux de la dette
5/10: Les exonérations de charge en remplacement du salaire
6/10: NAISSANCE ET MORT DES ACCORDS DE BRETTON WOODS
7/10: L’INACCEPTABLE DIKTAT !
8/10: L’EUROPE LIBERALE, CHAOS DE LA DEMOCRATIE ?
9/10: DE LA FORTERESSE DES TYRANS A LA REPUBLIQUE-ENTREPRISE
10/10: DES BESOINS ABSOLUS AUX BESOINS RELATIFS
Epilogue: Si personne n’était passé à cet endroit, aucun chemin n’aurait pu me guider