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17 janvier 2015 6 17 /01 /janvier /2015 16:57
La mise à mort programmée des CHSCT

Le MEDEF, encouragé par le Gouvernement socialiste, veut faire exploser le code du travail et en particulier les instances représentatives du personnel en les fusionnant dans un conseil d'entreprise qui anesthésierait la prévention des risques du travail et donc la protection des travailleurs. Pour expliquer cet attentat au dialogue social je reprends ici une partie de l'excellent article de Laurent Mauduit de Médiapart.

Dialogue social : le droit du travail est en péril

14 janvier 2015 | Par Laurent Mauduit

À l'occasion d'une ultime séance de négociations avec les syndicats, les 15 et 16 janvier, le Medef aimerait faire entériner un projet qui démantèlerait le système actuel de représentation des salariés au sein des entreprises, comme le suggérait dès 2008 le rapport Attali-Macron, largement repris par le projet Macron examiné au Parlement.

.../...

Une autre disposition du projet vient confirmer qu’il s’agirait bel et bien d’une régression sociale majeure, si le Medef parvenait à ses fins. Il s’agit de la disposition qui conduit à la quasi-disparition des CHSCT. Comme le rappelle le site internet du ministère de l’emploi (on peut le consulter ici), la constitution d’un CHSCT est une obligation légale dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Ce sont les lois Auroux, en 1982, qui ont apporté ces nouveaux droits aux salariés. Une haut fonctionnaire y avait à l’époque beaucoup contribué : il s’agissait de la directrice du travail de l’époque, une dénommée… Martine Aubry.

La mise à mort programmée des CHSCT

Or, dans le projet du Medef, les CHSCT ne résulteraient plus d’une obligation légale dans les entreprises de plus de 50 salariés mais seraient seulement facultatifs et ne disposeraient pas de leurs prérogatives actuelles. C’est consigné à l’article 2.1.4.1 du projet du Medef : « Le conseil d’entreprise ou d’établissement peut constituer en son sein une commission chargée de l’assister pour l’exercice de ses attributions liées aux questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Dans les établissements entre 50 et 500 salariés, cette commission est mise en place par accord d’établissement ou d’entreprise. Dans les établissements de 500 salariés et plus, la commission est constituée si plus de la moitié des membres du conseil le demande. »

La formule utilisée dit bien ce qu’elle veut dire. Si une telle commission est mise en place dans les établissements qui comptent entre 50 et 500 salariés « par accord d’établissement ou d’entreprise », cela veut dire clairement que l’existence d’une telle commission dépendrait de la volonté de l’employeur d’approuver un tel accord. Disons les choses de manière plus abrupte : si l’employeur ne veut pas d’une telle commission, elle n’a aucune possibilité de voir le jour.

Or il faut bien mesurer que les CHSCT jouent depuis plus de trente ans un rôle social majeur et que leur disparition aurait des répercussions gravissimes. Au fil des ans, les CHSCT sont devenus au sein des entreprises l’acteur majeur de prévention des risques professionnels et doivent être obligatoirement consultés, notamment, comme le rappelle le site du ministère du travail, « avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, par exemple : avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail ; avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ; sur le plan d’adaptation lors de la mise en œuvre de mutations technologiques importantes et rapides ; sur le projet d’introduction et lors de l’introduction de nouvelles technologies sur les conséquences de ce projet ou de cette introduction sur la santé et la sécurité des travailleurs ».

Les CHSCT peuvent aussi « recourir, aux frais de l’employeur, à un expert agréé : 1-lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ; 2- en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l’article L. 4612-8 du Code du travail, c’est-à-dire, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ».

La mise à mort des CHSCT, voulue par le Medef, serait donc socialement très préoccupante. « Faut-il rappeler l’explosion des cas de harcèlements, d'épuisement professionnel, d’astreintes jour et nuit et de sous-traitance ? Faut-il rappeler les problématiques récurrentes de TMS, de produits cancérigènes, d’incendies, de bruits, d’agressions physiques, d’accidents de transports, de déménagements effectués pour dégraisser à bon compte les effectifs ? » s’inquiète l’avocat.

L’utilité sociale des CHSCT est méticuleusement décrite par un autre professeur de droit de renom, Pierre-Yves Verkindt (Paris I – Sorbonne) qui, à la demande du ministre du travail, a réalisé un long rapport sur le sujet, rendu public en février 2014. Ce rapport, on peut le télécharger ici

Dans ce rapport, le professeur de droit formulait 33 propositions pour rendre l’institution des CHSCT plus démocratique, pour améliorer leur fonctionnement ou la formation de ses membres ou encore mieux encadrer les expertises qu’ils peuvent commanditer. Mais s’il fait toutes ces propositions, qui résonnent comme autant de critiques, c’est précisément parce qu’il juge très précieuse leur existence même. L'ambition du rapport était donc de renforcer les CHSCT et surtout pas de les… supprimer ! Pour comprendre l'importance des CHSCT, on peut également se référer au point de vue récent du directeur général du cabinet Technologia, Jean-Claude Delgènes, publié également par Miroir social : Coup de torchon magistral sur les CHSCT.

Alors, pourquoi le Medef veut-il leur disparition ? La bonne explication, c’est Me Samuel Gaillard qui la donne : « C’est l’arrêt Snecma du 5 mars 2008, la bête noire des employeurs, qui est à l’origine de la volonté du Medef de faire disparaître le CHSCT. » Et il explique : « Par cet arrêt, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel le juge pouvait suspendre la mise en œuvre d’une réorganisation lorsqu’elle était de nature à compromettre la santé et la sécurité des travailleurs concernés, obligation dite de résultat. Il s’agit là d’une jurisprudence essentielle qui, pour la première fois, posait le principe selon lequel le pouvoir de direction de l’employeur, jusqu’ici sans aucune limite, était désormais subordonné au principe d’ordre public de la santé et de la sécurité des salariés. Les décisions d’annulation sont en réalité fort rares, mais il est certain que le CHSCT dispose ainsi, par cet arrêt, d’un réel pouvoir de contrainte vis-à-vis des employeurs, afin d'obliger ceux-ci à respecter leurs obligations de santé et de sécurité des salariés qui sont issues du droit européen. »

L'onde de choc de l'arrêt Snecma

Et l’avocat ajoute : « Le droit européen étant apparemment difficile à changer pour le Medef et les magistrats de la Chambre sociale de la Cour de cassation, il fallait alors supprimer le CHSCT et c’est ce que ce texte vise, d’abord et de manière explicite pour les entreprises de 50 à 500 salariés. Pour les établissements de plus de 500 salariés, c’est une simple commission du conseil d’entreprise qui est prévue par le texte du Medef, mais qui est cantonnée à un rôle croupion “d’assistance” au conseil d'entreprise. Au passage, toutes les prérogatives du CHSCT en matière notamment d’enquête et de danger grave et imminent, qui constituent l'un des socles essentiels de contrôle par le CHSCT de l’activité de l’employeur, sont balayées d’un trait de plume. Désormais, en matière de danger grave et imminent, la procédure n’est pas enclenchée d’office au seul constat d’un danger grave et imminent par un membre du CHSCT. Il faut que le conseil d’entreprise se réunisse et qu’il charge la commission d’effectuer une enquête dans un tel cas. »

Pour quiconque veut comprendre plus avant la grande importance de cet « arrêt Snecma » qu’évoque Me Gaillard, on peut se référer au décryptage qu’il en avait fait à l’époque dans Miroir social (et que l’on peut télécharger ici). L’arrêt lui-même peut être téléchargé ici

La volonté du patronat de reléguer la représentation des personnels à une fonction purement supplétive est confirmée par une dernière suggestion de son projet, celle qui vise à remettre en cause la possibilité ouverte actuellement aux CE ou CHSCT de recourir à des expertises indépendantes, financières ou sociales. Cette régression est consignée à l’article 4.3.5.2 du projet : « Le choix de l’expert, ainsi que la nature, l’étendue de sa mission et le montant de ses honoraires se font d’un commun accord entre l’employeur et les membres élus du conseil, le cas échéant après un appel d’offres si les délais dans lesquels le conseil doit rendre son avis le permettent. »

Dans cette formulation, chaque mot à son importance. Si le choix se fait « d’un commun accord » entre l’employeur et les membres du conseil d’entreprise, cela veut donc dire là encore, c’est une lapalissade, que l’accord… de l’employeur est nécessaire. En clair, c’est la remise en cause des expertises indépendantes. Plus de rapports indépendants pointant des jongleries financières ! Plus de rapports indépendants pointant des souffrances sociales que l’employeur ne veut pas reconnaître ! Ce serait effectivement une régression sociale considérable.

Et puis, ce projet aurait une autre grave conséquence potentielle. Le remplacement des trois institutions actuelles (DP, CE et CHSCT) par une seule, le conseil d’entreprise, aurait pour conséquence mécanique de réduire de manière spectaculaire le nombre des personnes qui, au sein des entreprises, bénéficient du statut de salarié protégé, un statut très protecteur qui est méticuleusement encadré par le Code du travail.

Alors qu’adviendrait-il de tous les salariés qui ont actuellement une fonction de représentation des salariés dans les entreprises et qui pourraient perdre leur statut de salarié protégé ?

Qu’adviendrait-il de tous ceux qui, du fait de ces fonctions, se sont opposés dans le passé, parfois âprement, à leurs patrons ? Il n’est guère besoin d’être grand clerc pour deviner que le projet a aussi ce dessein caché : permettre, dans la foulée, une purge syndicale…

Reste donc une question majeure : comment serait-il concevable qu’un tel nouveau coup de boutoir contre le droit du travail puisse voir le jour ? En fait, il y a deux réponses. La première est que le front syndical ne sera pas forcément uni pour faire capoter le projet patronal. La CFDT, pour ne pas la nommer, pourrait-elle par exemple accepter la philosophie du projet patronal, en contrepartie de garanties, même mineures, sinon illusoires, pour améliorer la représentation des salariés dans les très petites entreprises ?

Mais surtout, le Medef sait sans doute qu’il peut une nouvelle fois compter sur le gouvernement pour qu’il appuie, ouvertement ou en sous-main, son projet. Depuis plusieurs mois, celui-ci ne s’est en effet pas privé de faire valoir que la remise en cause, au moins provisoire, des obligations sociales liées au franchissement des seuils légaux n’était plus pour lui un tabou. À peine installé au ministère du travail, François Rebsamen avait, le premier, donné le ton, à l’occasion d’un entretien avec Le Bien public, le 28 mai 2014 : « Gardons le principe des seuils, à 10 pour créer des délégués du personnel, et à 50 pour le comité d’entreprise, mais suspendons leur enclenchement pendant trois ans (…) Si cela crée de l’emploi, tant mieux, sinon, on remettra les seuils en vigueur et on n’entendra plus l’argument patronal. » Manuel Valls, puis François Hollande, lui avaient emboîté le pas. Dans une interview au Monde, le 20 août, le chef de l’État insistait : « Chacun doit admettre la nécessité de lever un certain nombre de verrous et de réduire les effets de seuil » (lire : Supprimer les seuils sociaux n’aura « aucun effet sur l’emploi »).

Ce projet visant à créer des conseils d'entreprise n'est d'ailleurs pas une lubie récente du patronat : il s'inscrit dans une histoire ancienne qu'il faut connaître pour comprendre pourquoi le Medef semble si sûr de son fait. C'est qu'en fait, le projet était l'une des mesures phares du rapport rédigé en janvier 2008 pour Nicolas Sarkozy par Jacques Attali et son rapporteur… Emmanuel Macron (lire Aux origines de la loi Marcron: un projet néolibéral concocté pour Sarkozy). Dans ce rapport (que l'on peut télécharger ici), il était fait ce commentaire, dans un sous-chapitre intitulé « Assouplir les seuils sociaux » : « Les seuils sociaux constituent aujourd’hui un frein à la croissance et à la création d’emploi. À titre d’exemple, le passage de 49 à 50 salariés entraîne actuellement l’application de 34 législations et réglementations supplémentaires dont le coût représente 4 % de la masse salariale. » Suivait aussitôt la proposition 37 du rapport, ainsi énoncée : « Mettre en place une représentation unique dans toutes les PME de moins de 250 salariés, sous la forme d’un conseil d’entreprise exerçant les fonctions du comité d’entreprise, des délégués du personnel, des délégués syndicaux et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Ce conseil d’entreprise serait le lieu privilégié de la négociation. »

Le projet du Medef n'est donc que le décalque de cette proposition du rapport Attali-Macron.

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23 septembre 2014 2 23 /09 /septembre /2014 11:25
Les pacific'acteurs - couverture
Les pacific'acteurs - couverture

Ecrire sans retour c’est un peu comme si l’on jetait une bouteille à la mer sans savoir si le message qu’elle contient pourra être lu un jour. Alors, lorsque ce jour arrive je ne peux que le partager, d’autant plus lorsqu’il est agréable.

(A leur demande certains prénoms on été modifiés)

Jean-Philippe - Superbe bouquin que j'ai enfin pris le temps de terminer. Indépendamment du rythme et de la construction, qui renvoient incontestablement à la lecture d'un bon roman policier, avec sa scène(s) de crime(s), ses personnages attachants ou fourbes, ses rebondissements, son suspense et la magistrale partition du médiateur, c'est bien entendu cette peinture de la terrible réalité du monde du travail qui capte l'attention et laisse perplexe le lecteur, à notre époque, alors que nous avons à notre disposition tous les ingrédients politiques, intellectuels, technologiques et sociologiques pour autoriser enfin l'épanouissement dans le travail et pour que n'existe plus ce type de rapport - et féodal est le bon mot- au sein de l'entreprise, quelle qu'elle soit. Merci pour ce témoignage poignant.

Nicole : Un livre facile à lire. Moi qui ne connais rien au monde syndical, je ne m’imaginais pas que le syndicat pouvait agir si haut et dans ces conditions.

Laurent : Votre livre sur la médiation à St P et M. m'a beaucoup intéressé et se lit comme un roman ! Plein de réalités, de vérités et d'optimisme raisonné. Je vous retrouve aussi dans la poésie. Bravo

Sandrine : J’ai beaucoup apprécié le style d’écriture. Le message passe bien, on retrouve de temps en temps une petite pointe d’humour même si le sujet n’est pas des plus hilarant. Ce n’est pas le genre de livre que j’ai l’habitude de lire mais c’est avec grand plaisir que j’ai découvert un autre univers.

Monique : (qui a vécue le conflit) J'ai enfin pris le temps de me procurer ce bel ouvrage!... que je viens de lire sans discontinuité! Tout d'abord, je tiens à te remercier... et te féliciter pour tout ce travail, tous ces éléments recueillis et racontés avec une telle précision!!! à la hauteur d'un conflit inoubliable, certes, mais ce n'est pas donné à chacun de narrer de cette façon... aussi bien qu'une image dans un miroir!

Je suis époustouflée, admirative aussi, face à tant de détails capturés dans ta mémoire et aussi bien retransmis. Tu n'es peut-être ni psychologue ni sociologue, mais ta longue expérience du terrain a su te faire mener à bien tes objectifs de gestion et de médiation dans ce conflit défini au départ comme sans issue! Belle réussite en tous cas! Alors encore une fois Bravo!

Arlette : Je ne connais rien au milieu du syndicat mais là vraiment j’en ressort avec une vision toute différente. Je n’imaginais pas que vous puissiez intervenir à ce niveau. En plus c’est super bien raconté et je l’ai lu comme un polar. Chapeau.

Vanille 5 (sur internet) "Bonjour, Je travaille au sein d'un hôpital public parisien où j'exerce une fonction transversale. J'ai lu votre livre sur le conseil de mon frère qui l'a découvert sur internet : en effet, même s'il n'a jamais travaillé dans le système hospitalier il se trouve en prise avec des problématiques de souffrance au travail et des risques psychosociaux pour lesquels il est à l'affût de toutes les publications et toute la législation existantes. J'ai trouvé votre analyse de la situation de cet établissement hospitalier français du bout du monde tout à fait juste et allant bien au delà de ce je pouvais imaginer de la part d'un syndicaliste avec une vision constructive de la situation générale et des situations particulières de ces professionnels de St Pierre. J'espère que votre ouvrage recevra un bon accueil et une large diffusion. Bien cordialement

Dominique : (qui a vécue le conflit) Il faut l'acheter c'est un témoignage d'un moment difficile - mais dans toute difficulté il en ressort quelque chose de positif qui restera dans l'histoire sanitaire et sociale de Saint Pierre et Miquelon.

Rodolphe : j'ai lu "Les Pacific'acteurs" et je confirme apprécier le style direct qui ne s'interdit pas des ouvertures vers le grand large bien senties. Bref, c'est agréable, pas chiant. Très bonne idée que de chroniquer cette négociation. Dommage cependant
le nom des autres syndicats ne soit pas cité. Pour autant, je pense que vous étiez bien la personne capable de prendre les distances qui s'imposaient. Votre approche constructive transpirait très bien du livre. Vraiment très bien.

Corinne : C’est un ami qui m’a recommandé ce livre. Je le regrette pas. J’y suis rentrés dedans et je n’en suis pas sorti avant la fin. Trop bien raconté comme un bon polar mais en plus j’ai appris plein de choses sur ces îles que je ne connaissais pas et aussi sur la souffrance au travail dans ces endroits. Je le recommande à tous mes amis car vraiment j’ai passé un très bon moment.

Véronique : Très agréable à lire, voici un texte qui mêle utilement action et réflexion. Toujours sain de se plonger dans un témoignage qui remet la réalité au coeur des réflexions. Oui, il existe des endroits et des organisations où règnent des zones complètes de non droit. Oui c'est facile de viser une directrice qui dysfonctionne complètement, mais comment dans une organisation, dans notre société de droits, peut-elle déraper au point de laisser ainsi un responsable se comporter en tyran ? Quelle somme de responsabilités individuelles et collectives ont permis cet état de fait ? Des questions qui nous interpellent tous. Merci à l’auteur pour ce rappel, je sais au moins pourquoi je bosse."

Vous l’avez lu ? Il vous a plu ?

Pour en faire la promotion, je n’ai que ma tête, mon clavier et mes amis. Je compte sur vous.

Merci

Vous ne l'avez pas lu ? N'attendez-pas

Commandez le ICI

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11 juillet 2014 5 11 /07 /juillet /2014 11:15
Une médiation qui vaut bien un livre !

Les "Pacific'acteurs". Voyage conflictuel à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Un appel du responsable de ma fédération ! Un avion et le lendemain me voilà plongé au cœur d’un violent conflit à l’hôpital de Saint-Pierre-et Miquelon.

Sur cet archipel j'ai rencontré la servitude, un bout de République abandonné. Des alertes y sont souvent lancées en direction des ministères de la métropole pour que les droits des habitants de Saint-pierre et de Miquelon soient identiques à ceux des habitants de la métropole. Elles sont le plus souvent ignorées et cette absence de réponse laisse certains maîtres locaux régner sur les sujets. S'installe alors une sorte de féodalité qui ne touche malheureusement pas que les salariés de l'hôpital dans cet archipel.

Ici, rien n'est parfait, mais ils ont osé dire ça suffit. Il en est ainsi partout. Rien n'est définitivement acquis. Une occasion pour citer cet enseignement de Kant[1] qui jalonne souvent mes écrits : « Il est de la nature intelligible de l’homme de pouvoir par une décision se constituer comme sujet libre. La liberté n’est jamais acquise, elle est sans arrêt menacée. Elle doit toujours faire l’objet d’une lutte courageuse. »

Mais la lutte courageuse se heurte souvent aux capacités de chacun de pouvoir la mener. Lorsque le salarié est cloîtré dans une précarité qui peut remettre en cause chaque jour ses propres conditions d'existence, alors la lutte peut devenir suicidaire si elle n'est pas accompagnée d'un puissant collectif seul capable de la protéger

Salarié depuis 40 ans, syndicaliste depuis plus de 38 ans, accumulant les expériences les plus diverses dans le domaine de conflits du travail, de leur organisation à leur réalisation, ayant participé à de nombreuses négociations pour améliorer au quotidien les conditions de travail des salariés ou permettre la signature (ou la non signature) d'accords nationaux, je ne pouvais imaginer être placé un jour dans les circonstances présentes.

L'expérience que j'ai acquise dans le cadre de la prévention des risques professionnels, de la souffrance au travail, du mal-être, de ce que d'aucun dénomme les risques psychosociaux et qui sont en fait liés en grande partie à des contraintes de l'organisation du travail, m'a beaucoup aidée pour comprendre et traiter ce conflit dans lequel je me suis retrouvé bien malgré moi.

Le contenu de cet essai illustre par l'exemple toutes les facettes des traumatismes du travail, les conséquences d'un management défaillant ou bien encore le cœur du débat social.

Saint-Pierre et Miquelon ne m'était pas inconnu, puisque j'y avais séjourné une petite semaine il y a dix ans pour délivrer à des militants syndicaux quelques enseignements pratiques. Les souvenirs que j'en rapportais furent suffisamment prégnants pour qu'ils resurgissent immédiatement dès que le nom de cet archipel m'était cité. Sans dévoiler le contenu du présent récit je peux affirmer que cet endroit n'est comparable à aucun autre. Perdu au sud du Canada, ce caillou qui accueille un peu plus de 6 000 habitants est quelque peu délaissé par la métropole et peut-être même par la République. Contrairement à tous les autres territoires ou départements d'outre mer, là bas, pas ou peu de touriste. Les coûts de transport sont au-delà du raisonnable ce qui renforce un peu plus le sentiment d'isolement et d'abandon. Rien à voir avec la Réunion, Mayotte ou bien encore les Antilles qui de part le climat et le nombre d'habitants bénéficient d'une plus grande considération de la part ce ceux qui décident et qui bien souvent y séjournent. Etre muté à Saint-Pierre-et-Miquelon est presque vécu comme une punition par ces "mayoux" contraints. Ce n'est pas pour autant que des facilités sont accordées aux Saint-Pierrais et aux Miquelonnais à hauteur des contraintes qui sont les leurs.

Ceci peut expliquer en partie les façons très particulières de déclencher un conflit et de le gérer. Mais ce n'est pas l'unique raison de la rédaction de cet ouvrage. L'aventure qu'il expose restera pour moi un des meilleurs moments de ma carrière militante. Je dis souvent que lorsque l'on n'est plus en capacité d'apprendre c'est que l'on est cliniquement mort. J'ai appris. La conjugaison de cet apprentissage et des savoirs accumulés précédemment renforcent, confortent l'engagement que j'ai pris il y a trente huit ans de passer du temps aux côtés de ceux qui sont atteints dans leurs conditions d'existence. Je ne savais pas que cela durerait aussi longtemps. Je ne savais pas non plus que l'engagement est une école formidable qui permet de découvrir toutes les facettes de l'humanité. L'humanité qui permet à l'homme d'observer, de comprendre et d'agir avec intelligence et sensibilité. Mais cette école de la vie permet aussi de rencontrer des êtres qui ne flattent pas cette humanité, soit parce qu'ils l'ont perdue, soit parce qu'ils ne l'ont jamais rencontrée. Le choc des incompréhensions peut alors déboucher sur des situations conflictuelles qui auraient pu s'éviter si, d'un côté comme de l'autre, la finalité de l'œuvre commune, ici le sens du travail, n'avait pas perdu son humanité. La compétence fait autorité mais, a contrario, le manque de compétence débouche trop souvent sur de l'autoritarisme.

Notre époque abandonne l'humanité au profit de dictats de toute nature qui sévissent dans tous les secteurs et qui frappent durement ceux qui n'ont pas la capacité de se défendre, soit parce qu'ils sont dans des situations précaires, soit parce qu'ils ont perdu leur liberté et gagné leur servitude. « Chez les hommes libres au contraire, c’est à l’envie, à qui mieux mieux, chacun pour tous et chacun pour soi : ils savent qu’ils recueilleront une part égale au mal de la défaite ou au bien de la victoire. »

"Les Pacific'acteurs" c’est un voyage conflictuel qui se lit comme un roman.

[1] Emmanuel Kant philosophe allemand. (1724 -1804)

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12 avril 2014 6 12 /04 /avril /2014 09:42
burnoutUn nouveau livre de Denis Garnier

 

 

Toujours aux éditions le Manuscrit à Paris, mon troisième livre va être publié prochainement.

"Travail : des traumatismes à l'espérance."

 

Pour vous le présenter je vous propose la lecture du prologue.

 

Prologue

Il est des moments où les touches du clavier sur lequel mes doigts s'enfoncent plus ou moins rapidement, et plus ou moins au bon endroit, traduisent sur un écran désormais plat toutes les émotions, les sensations, les raisonnements qui peuvent parfois s'élever au rang de la colère, de la révolte nécessaire et salvatrice. Les mots ont cette capacité d'atteindre là ou les gestes échouent. La violence physique est l'expression des faibles et c'est bien souvent parce qu'ils n'ont pas les mots qu'ils agressent et passent à l'acte contre les autres et parfois contre eux-mêmes. Donnons des mots à lire, des phrases à comprendre, du sens au monde qui nous entoure et nous aurons ensemble parcouru un petit bout du chemin qui mène à la connaissance nécessaire pour l'émancipation de chacun.

C'est le sujet de ce petit ouvrage. Un recueil d'articles que j'ai publié sur différents supports et qui sont  émotions, colères, espérances. Des traumatismes de l'organisation du travail, ou de la servitude, de l'intensification du travail à son management tout devrait être harmonie.

Or, les progrès des uns ne peuvent se réaliser qu'au détriment des autres et c'est pourquoi le monde du travail doit à nouveau développer et entretenir ses propres outils de solidarité pour ne pas à nouveau sombrer dans la servilité.

Un cheminement pour avancer des idées, des images, et des engagements."

 

 

Mes engagements ? C'est le syndicalisme, le monde en mouvement, la prévention et la défense des intérêts particuliers des salariés, de tous les salariés, actifs, chômeurs ou retraités. Ceux que l'on appellent "les prolétaires" car ils ne vivent comme moi, du produit de leur travail, du revenu de leur salaire.

Quasiment tous les employeurs, les agriculteurs, etc. sont syndiqués ! Ils ont compris que l'isolement ne pouvait être une réponse efficace. Alors, même si tout n'est pas parfait, (mais qui l'est ?), le syndicalisme reste le seul outil qui permet de représenter collectivement les salariés pour porter leur voix et défendre leurs intérêts.

 

Faut-il s'enliser dans les mouvements corporatistes étriqués, ou se libérer dans le syndicalisme confédéré ?

 

Cet ouvrage de 140 pages vous apportera quelques éléments de réponse, mes réponses après 38 ans au sein d'une même organisation syndicale.

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15 avril 2013 1 15 /04 /avril /2013 19:15
Résumé
 
Depuis les années 70  le rôle des femmes et des hommes qui encadrent et organisent le travail d'autres femmes et d'autres hommes,  s'est progressivement transformé en un métier qui pressurise trop souvent les ressources humaines pour des objectifs souvent inatteignables. L'ascenseur social est en panne et le travail est en crise. Son évaluation est biaisée par le prisme de procédures imposées par des exigences d'efficacités spéculatives qui dépassent souvent le cadre de l'entreprise. L'organisation de la production du travail conduit alors régulièrement à gérer ces ressources sans humanité et, nous verrons qu'il n'est pas nécessaire d'être le diable pour le devenir.
D'autres méthodes existent pour organiser la production en ménageant les femmes et les hommes au travail. Le slow management est-il une réponse ? Le management doit-il rester un métier à part entière ? L'ascenseur social peut-il repartir ? Le travail a-t-il besoin de hiérarchie ? La qualité ne doit-elle pas devenir son nouveau centre ?
Cet article souhaite présenter l'inévitable impasse dans laquelle s'échoue un management trop calculatoire des ressources humaines. Pour promouvoir des échanges respectueux du travail entre des managers apaisés et des travailleurs reconnus, il devient indispensable de penser et de construire un nouveau paradigme. Pour l'auteur de cet article, le management, avec son entreprise, devra progressivement reprendre le chemin du bon sens.
  
 
1- Le management sans ménagement

Le management à des fins spéculatives…
De la promotion professionnelle au « new public management » une quarantaine d’années se sont donc écoulées. Sans y prendre garde, en l’accompagnant souvent, les cadres deviennent des managers, des outils de la nouvelle entreprise, celle qui est passée de l’appareil de production à l’instrument de spéculation. Le profit et la rentabilité deviennent les nouveaux objectifs de développement qui au fil du temps s'avèrent tout à fait insatiables. L'entreprise ne dégage plus des profits pour se développer mais alimente une spéculation à des fins de rentabilité pour entretenir ceux qui n'ont plus besoin de travailler pour assouvir leurs envies inextinguibles.  
Dans ce nouvel usage de l'entreprise, les directeurs et directrices du personnel sont devenus des directeurs et directrices des ressources humaines. Ils et elles n’encadrent plus pour guider, accompagner, encourager. Ils et elles gèrent en exécutant les directives d'un directoire sous pression d'actionnaires. Toujours dans cette nouvelle entreprise, les managers de proximité, les N+1 ou N+2 [1], sont chargés de l'organisation du travail. Leurs méthodes, détournées de toute relation humaine, sont aussi froides que l’acier. Elles sévissent dans tous les secteurs, y compris dans la fonction publique. Elles deviennent une des causes essentielles de troubles psychosociaux, sources de nombreux traumatismes. Les traumatismes de l'organisation du travail. Le suicide d'un salarié devient un dégât collatéral d'un management qui n'aurait pas compris le message de l'entreprise.
Dans cette organisation du travail, dont la finalité se résume au seul profit qu’il peut procurer, il ne semble plus nécessaire de connaître le métier pour encadrer les hommes et les femmes au travail. Les cadres seraient des exécutants de méthodes venues d'ailleurs.
Après le taylorisme, qui sépare les activités manuelles et intellectuelles, le fordisme, qui encourage le travail à la chaîne, le toyotisme qui fait la chasse au temps perdu et le lean management[2] qui le complète en endormant les consciences, les cadres se doivent d'appliquer la méthode retenue. Le plus souvent, le choix résulte de la formation suivie par les Directrices et Directeurs des ressources humaines fraichement diplômés. Le manque d'expérience et l'absence de confrontation avec la réalité de l'entreprise, ou du service, entretiennent en partie les écarts constatés entre le travail prescrit et le travail réel.”
De la direction des personnels à la gestion des ressources humaines.
   
Lors d'un colloque je faisais aimablement remarquer à un cadre supérieur que le terme directeur du personnel avait perdu de sa valeur avec l'arrivée des DRH. "Directeur du Personnel ? Mais c'est ringard, dépassé, il faut être moderne ! m'avait-il répondu. ! Et l'humain alors ? Il est dans le titre : "ressources humaines". Directeur des Ressources Humaines. On ne discute pas avec une ressource, on la gère ! Tout est cohérent. On ne dirige plus le personnel, on le gère ! Cette notion de ressources humaines, qui devrait se limiter à la compétence des DRH, semble franchir tous les étages de la hiérarchie. Il n'y a plus de personnels remplaçants mais des mensualités de remplacement. Il n'y a plus de relation, mais des communications. Il n'y a plus d'intérêt pour le travail réel mais des ordres pour du travail prescrit.
 
Comme nous venons de le voir, c'est au cours des années 70 que se ce nouveau vocable assorti de tous les outils se développe. Le "new Public Management".  Ici, la gestion des ressources humaines n'est  plus que l'application de formules mathématiques. Les sciences humaines et sociales sont reléguées au rang de sensibleries. Ainsi donc, sous la pression de l'économie nouvelle, le management devient un vrai métier et non plus une fonction. Les écoles de management produisent des jeunes managers inexpérimentés. Là, l'objectif de performance étouffe la valorisation des compétences, écrase l'expérience.
 
Travailler à en mourir.
Pour comprendre cette nouvelle entreprise, pour s'immerger dans cette dictature de la positive attitude, de la folie évaluation et de l'autoévaluation, de ces cadres qui doivent violer le client pour optimiser les marges, de ce monde du management par le déménagement qui veut des impliqués et pas des compliqués,  la lecture du livre  "L'open space m'a tuer" écrit par deux anciens cadres supérieurs, diplômés de Sciences-Po, est édifiante[3]. C'est une vue de l'intérieur à l'état brut. "Ce livre raconte tout ce que les jeunes cadres savent mais qu'ils taisent et donc que les autres ignorent".
 
Complémentairement je cite "Hubert Prolongeau et Paul Moreira,  deux journalistes qui ont écrit « Travailler à en mourir »[4]. Ils décrivent parfaitement ce monde si souvent incompréhensible. C’est le petit monde des directeurs des ressources humaines pour qui, « la souffrance est un dommage collatéral et les suicides une petite compagnie prise dans une embuscade.» Le salarié est devenu source de profit ou d’économie, une variable d’ajustement lissant toutes les crises. Là, le stress est un carburant qui alimente la machine à broyer les hommes et les femmes. Même si ce n’est pas son objet, la lecture de cet ouvrage établit que le totalitarisme est bien actuel. Tout s’organise pour que le salarié devienne une pièce mécanique aussi froide que l’acier. Les auteurs précisent que "les suicides dont on parle dans la presse ne sont que la partie apparente d’une épidémie invisible. L’arrivée des jeunes ripolinés, formatés des grandes écoles « avec leur arrogance, leur tête bien faite, sûrs d’eux-mêmes et de leur compétence » n’a fait qu’accélérer le processus."  Les conséquences sont terribles. En quelques années les absences au travail pour raisons médicales explosent.
Pour le professeur Christophe Dejours, les choses sont claires : « Les méthodes de gouvernement d’entreprise, de direction, de management et de gestion, l’organisation du travail enfin, ont un impact majeur sur la santé mentale et doivent être suspectées dans toute décompensation psychopathologique survenant chez un individu en situation d’activité professionnelle, jusqu’à preuve du contraire ! » [5]
  
M. Philippe Askenazy, chercheur au CNRS, professeur associé à l’Ecole d’Economie de Paris fait ressortir que la crise chez France Telecom est caractéristique de la faillite des méthodes de management à l’œuvre depuis plusieurs décennies en France. Un management qui ne prend pas en compte les aspects humains produit des effets délétères. Dans les années quatre-vingt-dix, poursuit-il, les Etats-Unis ont instauré un dispositif de cotisations qui responsabilise les entreprises, en avantageant celles qui font des efforts en faveur de la santé et de la sécurité au travail. Ils attachent beaucoup d’importance à la question de la formation des managers.  Au cours de leurs études, ils ont la possibilité de se spécialiser en « labor relations », c’est-à-dire de s’investir dans la problématique des relations sociales au sein des entreprises. En France, les élites managériales ne reçoivent pratiquement aucun enseignement dans cette discipline.  L’humanité nécessaire au travail bien accompli, par des hommes intelligents, doués de sens, riches d’expériences, dont les mains sont guidées par les formidables réflexes salvateurs face à l’imprévu, est abandonnée par le plus grand nombre.
Sur la formation des managers, précise Michel Gollac, « il est regrettable que l’on puisse être nommé à la tête d’une équipe sans rien connaître de l’homme au travail ni de l’homme en société »[6].
Et Marie Pezé réagit vivement aux propositions de certaines entreprises. « La  plus  délétère  des solutions proposées, c'est de former les managers à la détection des signes de fragilité des salariés. Ce sont les cadres qui donnent les ordres, prescrivent l'intensification du travail, les changements de postes. C'est donc à ceux qui infligent ce qui est insupportable qu'on va demander de détecter les signaux. Si un salarié se suicide, on va leur dire que c'est de leur faute. On aura des suicides de cadres, et même des meurtres, les couteaux sont sortis. Quant aux salariés, ils vont chercher à cacher leur état à leur manager. Il y aura d'autres suicides. »[7]
 
Il n'est pas nécessaire d'être le diable pour le devenir.
 Les conséquences de cette forme de management sont réelles et multiples. Mais peut-on le reprocher à ceux qui l'exécutent ? Dans ce système, les DRH, les cadres "new age" sont des outils. Des outils de la performance.  En d'autres temps et dans d'autres lieux, Alexandre Jardin parle "Des gens très bien". Il explique "Le Nain Jaune", qui n’est autre que son grand-père, « le principal collaborateur du plus collabo des hommes d’Etat français : Pierre Laval, chef du gouvernement du Maréchal Pétain. »[8]
« Tôt dans ma vie, j’ai donc flairé avec horreur que des êtres apparemment réglo – et qui le sont sans doute – peuvent être mêlés aux plus viles actions dès lors qu’ils se coulent dans un contexte qui donne un autre sens à leurs actes. Lorsqu’un individu doté d’une vraie colonne vertébrale morale s’aventure dans un cadre maléfique, il n’est plus nécessaire d’être le diable pour le devenir. »
Le système économique qui glorifie la performance au détriment des individus est devenu ce cadre maléfique. La société est une machine à consommer où les besoins relatifs sont devenus tout à fait insatiables. L'envie de toujours plus est une arme redoutable qui avilit les hommes. Les contrats d'objectifs et l'évaluation assortie de l'intéressement financier à la performance ont siphonné le bon sens et les nains jaunes ne manquent pas.
 
Lorsque 50% de la rémunération dépend du respect des ordres et des objectifs assignés, il n'est plus nécessaire d'être le diable pour le devenir.
 
De la promotion professionnelle abandonnée…
Progressivement la voie promotionnelle, ascenseur social par excellence, est remplacée par les écoles de management. L'encadrement d'une équipe devient un métier à part entière. Les écoles transforment n'importe quelle personne motivée en manager discipliné. La conduite de procédures bouscule le sens du travail et tend à le robotiser. La check-list, nécessaire à certains endroits, peut remplacer l’intelligence du travailleur dans d'autres. Le respect du protocole se substitue trop souvent à la notion de qualité du travail. Si les étapes du travail, ainsi organisées par ces nouveaux managers, sont scrupuleusement respectées, alors le travailleur est classé sur la bonne voie. Il est soumis, donc conforme, donc apprécié.
 
Mais, pour le Professeur Philippe Davezies "Les salariés ne font pas toujours ce qu’on leur demande et c’est pour cela que ça marche ! Le salarié contraint, à tous les niveaux de la hiérarchie, est moins dynamique que le salarié libre d’organiser le travail prescrit. [9]
Peut-être est-il indispensable à l'entreprise de disposer de DRH capables d'impulser l'organisation générale du travail par des méthodes qui soumettent les femmes et les hommes aux objectifs fixés. Mais faut-il pour autant placer tout l'encadrement dans cet espace restreint de procédures descendantes alors que le travailleur pour être efficace doit être libre d'organiser le travail prescrit ? Par ailleurs, nous pouvons légitimement penser que cette nouvelle hiérarchisation de la production aux ordres uniquement descendants prive le salarié d'une motivation qui ne peut plus trouver sa source  dans la qualité de son travail. Tout dépend naturellement de la valeur des échanges entres les différentes strates de l'entreprises. Mais il faut convenir qu'il est difficile pour un travailleur expérimenté d'accepter de se faire commander par des directives qui l'éloignent de la réalité du travail qu'il maîtrise. 
Ne convient-ils pas, à côtés de ces DRH,  d'aménager des espaces de reconnaissances professionnelles par la gratification de la responsabilité ? N'est-il pas possible de remettre en marche l'ascenseur social ? Les réponses devront reposer sur la réalité du travail et son évaluation.
 
...à l'évaluation détournée.
 
L'évaluation individuelle des performances, et non plus du travail, sacralise la conformité des travailleurs en le bordant d'un contrat d'objectifs pour plus d'assurance. Ici la performance n'est pas la bonne exécution du travail. L'humour sarcastique du travailleur expose cela en disant que la performance c'est l'art de faire toujours plus avec toujours moins. (conseil de lecture) 
A cet endroit je ne peux m'empêcher de relater cette histoire  exposée lors d'une conférence par un directeur d'hôpital : "Alors qu'un soudeur réalise son art sur un tuyau de large diamètre, un contrôleur de procédure (synonyme actuel de manager), vérifie tous les faits et gestes de ce travailleur. Il note sur une tablette tous les écarts constatés entre le guide de bonnes pratiques et le travail réalisé. Par exemple, le marteau de repiquage doit  reposer sur un sol propre, mais le soudeur le pose à même le sol terreux, etc., etc. A la fin du contrôle, ce col blanc rapporte à l'employeur la mauvaise évaluation du travail de ce col bleu. L'employeur lui répond alors : « Monsieur, je ne sais pas si vous avez raison, mais cet ouvrier est le seul en France capable de réaliser ce type de soudure."
 
Ici, l'écart est flagrant, détonant. Les faits placent ce col blanc, ce N+1,  en dehors du travail réel dont il n'a aucune connaissance. Le col bleu, l’ouvrier, a eu la chance ici d'être reconnu dans son travail et de pouvoir l'exécuter proprement, en respect des règles de l'art et non d'une procédure sortie de quelques cartes mères. Mais combien ont eu cette chance ?  Laisser la liberté au travailleur d’organiser sa réponse au travail prescrit doit devenir un challenge pour un management réformé.
 
Management comme  doctrine, mais...
 La méthode est enseignée et s'applique aussi bien aux ouvriers de Renault, qu'aux caissières de Carrefour, qu'aux infirmières de l'hôpital. Le chef de service, le chef du magasin, le cadre sont devenus des managers, des artisans d’un management autoritaire et descendant. Il n’est plus nécessaire de connaître l'objet du métier. Il convient surtout de posséder les clés de la performance. Les guides de procédure, les référentiels de compétences, les techniques de gestions mathématiques des hommes au travail remplacent subrepticement la connaissance nécessaire à la réalisation de l'objet travail. Ils participent, souvent sans le savoir, à la construction d’un régime quasi-totalitaire tel que décrit par  Hannah Arendt [10]. Un système par lequel tous les mécanismes de cohésion sociale sont détruits. A l'image du "lean management", la communauté est réduite à l'état de masse inerte et indifférenciée. La cohésion d'un tel système repose essentiellement sur l'endoctrinement idéologique et la terreur, devenue moyen normal d'action. 
 
Les écoles de cadres, de managers ne se placent pas en aval de la connaissance du travail réel. Le col blanc qui relit sa check-list pour contrôler la procédure et non pour vérifier la qualité du travail qu'il ne connaît pas, se trouve ridicule aux yeux de ceux qu'il est censé organiser. L'autorité nécessaire de la connaissance et/ou de la compétence s'en trouve affaiblie et peut ouvrir la  voie d'une contestation, d'une détérioration grave des rapports sociaux.
Or, il n'est pas nécessaire d'exercer un quelconque pouvoir pour organiser une équipe. Le respect du travail donne l'autorité nécessaire, facilite le respect de la hiérarchie et compense avantageusement la méconnaissance du travail réel.
 
2- Le nécessaire ménagement

 
Le changement devient une évidence incontournable, mais...
 Vouloir changer les hommes c'est un peu comme si l'on voulait changer la nature, l'état de nature. Changer le système ? C'est une ambition légitime qui occupe les esprits d'une trop petite minorité pour devenir une proche réalité. Alors peut-être pouvons-nous convaincre les intégristes du profit d'adopter des outils moins corrosifs pour l'humanité nécessaire au bon travail. Le "lean management" qui endort les consciences est peut-être moins traumatisant que la gestion par le stress. Mais il endort les consciences, érode les caractères et noie dans une masse uniforme l'intelligence de tous les acteurs du travail. La démarche participative relève des mêmes doctes.  
 
  
Des accords et des rapports pour manager le bien-être et combattre le mal être au travail, mais...
  
Concernant la gestion par le stress un accord a été conclu et signé le 24 novembre 2008  entre les syndicats et le patronat. Son objet : "Augmenter la prise de conscience et la compréhension du stress au travail, par les employeurs, les travailleurs et leurs représentants." Parmi les mesures adoptées relevons celles qui concernent le management:   - assurer une bonne adéquation entre responsabilité et contrôle sur le travail, et des mesures de gestion et de communication visant à clarifier les objectifs de l’entreprise et le rôle de chaque travailleur   
- la formation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise et en particulier de l’encadrement et de la direction afin de développer la prise de conscience et la compréhension du stress, de ses causes possibles et de la manière de le prévenir et d’y faire face.
En 2013, donc plus de quatre ans après l'accord national sur le stress, on ne peut pas dire que le changement ait envahi les entreprises et encore moins la fonction publique. Mais dans l'évolution générale du travail, et sans remonter a "Germinal" de Zola ou aux "raisins de la colère" de Steinbeck,  cet accord marque enfin la reconnaissance des limites d'un management corrosif. Les autres méthodes,  toutes aussi performantes et qui ne brisent pas les hommes, peuvent prendre la place si elles sont encouragées par un pouvoir politique qui, pour l'instant et depuis longtemps, est largement défaillant.  
 
Le rapport sur "le bien-être et l’efficacité au travail" était remis au ministre du travail en février 2010.[11] Il traite de la nécessaire sensibilisation des directions générales et des conseils d'administration sur les problèmes de santé au travail. C'est d'autant plus crédible que deux des trois auteurs occupent de grandes responsabilités dans les entreprises privées. Ils insistent sur la formation, insuffisante, des managers amenés à encadrer des équipes. Pour les auteurs, "les hommes constituent la principale ressource stratégique de l’entreprise. La responsabilité des dirigeants sur ce sujet est primordiale : d’abord pour définir et mettre en oeuvre une véritable politique de santé, en repensant notamment les modes de management, d’organisation et de vie au travail. La santé des salariés est d’abord l’affaire des managers, elle ne peut pas s’externaliser. Au quotidien, le manager de proximité, qui organise le collectif de travail et prend les décisions au plus près des salariés, en est le premier garant. Le manager de proximité ne doit pas être simplement une courroie de transmission. Il doit disposer de marges d’adaptation et de décision pour optimiser l’efficacité et la cohésion de son équipe."
 Quelques mois plus tard, en octobre 2010, un autre rapport a été édité par une mission du Sénat: « Le mal-être au travail : passer du diagnostic à l’action ».  Si le diagnostic est très bon, l'action reste une espérance. Dans le domaine du management, la mission souligne "le rôle important des managers pour améliorer le bien-être des salariés qu'ils ont la responsabilité d'encadrer. Souligner leur responsabilité ne doit pas conduire cependant à les stigmatiser ; ils peuvent eux-aussi être concernés par la souffrance au travail, celle-ci étant souvent à la hauteur de leur implication dans la vie de l'entreprise. C'est plutôt l'insuffisance ou l'inadaptation de leur formation qui doit être mise en cause"
La deuxième recommandation consiste à revenir aux fondamentaux du management, ce qui implique de redonner toute leur place aux comportements individuels, au détriment des procédures, et de revenir sur certains excès en matière d’individualisation.
Ces deux rapports comportent tous les éléments à mettre en oeuvre pour d'une part accompagner les managers dans leurs tâches ingrates et difficiles et d'autre part ménager les femmes et les hommes au travail. Mais les rapports passent et l'absence de volonté politique demeure.
 
Espérons que celui que va prochainement publier le Fonds National de Prévention de la CNRACL connaîtra un plus bel avenir[12]. En effet, même si ce dernier limite son champ à la fonction publique territoriale et hospitalière,  il porte en lui le bon sens du travail.
"Si l’on part de cette idée qui devrait constituer une évidence selon laquelle le management ne peut se penser et par là réussir sans les hommes et les femmes dont il organise l’action et à plus forte raison contre eux, on se doit d’affirmer que c’est par la recherche de la qualité du travail, source de son sens, que commence le management. Pour le dire autrement, la mobilisation des « ressources humaines » n’est pas un sous-produit des arrangements organisationnels, mais elle en est le coeur.
A l’heure où la « motivation » et « l’engagement personnel » dans son travail sont devenus une nécessité affirmée pour garantir l’efficience des services, le management public doit sortir des visions technocratiques qui l’ont souvent animé pour en tirer les conséquences : ce sont les hommes et les femmes qui y sont employés qui font et feront les services publics. Il apparaît donc nécessaire, lorsqu’un changement organisationnel important est prévu, notamment lorsqu’il est lié à des réductions budgétaires, de mettre en oeuvre un accompagnement humain de ce changement."
 
Il est donc impératif de rapprocher les managers des équipes, de prôner la transparence des objectifs et des organisations et de laisser aux cadres de proximités la latitude nécessaire. Que l'on soit cadre ou pas, il apparaît que la liberté d’organiser le travail prescrit est un facteur essentiel d'un bon management.
 
Mener avec ménagement, le slow management
 
 Pour Loïck Roche[13] l’étymologie du terme management, dans une première acception, part du mot « manager » qui signifie contrôler ; dans une seconde, il se rapporte à ménager, c’est-à-dire soigner ou cultiver. Si la notion de contrôle est parfaitement huilée, celle de soigner ou de cultiver est totalement absente. C’est cette dimension qui fait aujourd’hui défaut : l’humain n’est pas présent dans le management.  Même si les écoles de management attirent de nombreuses critiques de la part des spécialistes du mal-être au travail, elles ont toutefois l’avantage d’enseigner des méthodes et d’en présenter les objectifs et les risques
C’est à partir de ces enseignements, de l’analyse des difficultés et des souffrances de la vie professionnelle que des spécialistes du management des entreprises et des hommes, dont Loïck Roche, proposent « L’éloge du bien-être au travail »[14]. Ils montrent une vision différente du management, garant des conditions de bien-être et de performance et qu’ils appellent, « le slow management ». Pour les auteurs « les responsables doivent apprendre à se ménager du temps, en dehors des réunions, en dehors des appels téléphoniques, en dehors de la lecture des e-mails, pour réellement comprendre ce qu’il y a dans la tête des hommes et des femmes qu’ils dirigent ; du temps pour les écouter, du temps pour apprendre ; du temps pour enseigner.
Pour eux le bien-être au travail est le meilleur investissement pour la rentabilité de l’entreprise et de plus, il soulage la misère humaine.
Leurs méthodes et leurs mots sont très différents de ceux employés par les anciens bourreaux des temps modernes de Chaplin. Ils consacrent tout un chapitre sur ce que veut dire aimer dans l’entreprise. « Penser autrement, penser contre soi, pour un dirigeant, pour un manager, un chef d’équipe, c’est travailler sur le bien-être d’abord, pour de surcroît atteindre la performance ». Ce ne sont pas des « syndicalistes attardés » ou des religieux du bonheur, ce sont des professeurs émérites de management, dotés il est vrai et contrairement à de nombreux DRH, de doctorats de psychologie et de philosophie. Ils démontrent qu’il n’y a pas besoin de maltraiter les salariés pour assurer la performance de l’entreprise.
Lorsqu’un cadre pratique le « slow management » présenté par nos trois « doc-auteurs », il n’a  pas besoin de muter cette responsabilité en autorité et cette autorité en agressivité. Mais le pouvoir qu’il exerce sur les collaborateurs est dissout par le bien-être au travail qu’il manage.
 
Redevenir des élèves du travail :
 
Faut-il absolument des formations initiales de cadres ? Faut-il entretenir cette dichotomie entre le cadre et le métier ? La formation des directeurs des ressources humaines - en souhaitant qu'elle intègre davantage les sciences humaines et sociales - apparaît incontournable. Mais, si l'organisation du travail mérite des "chefs", des managers qui mènent des équipes avec ménagement, l'objet travail doit se libérer de toute contrainte hiérarchique. A cet effet, il convient de distinguer ceux qui organisent la production et ceux qui la réalisent.  
Lorsque les observations de nombreux sociologues, psychologues du travail disent, comme Yves Clot, qu'il faut remettre le travail à coeur[15], il faut accepter qu'un ouvrier puisse en parler sans crainte de se le voir reprocher. Une aide soignante doit pouvoir interrompre un chirurgien lorsque ce dernier ne s'est pas correctement lavé les mains. L'objet du travail dépasse toute relation hiérarchique et c'est ainsi qu'il fera sens dans les esprits de tous ceux qui en seront les acteurs. Le travail n'est donc pas l'exercice d'un pouvoir mais la réalisation d'un objet.
Ainsi, lorsque le bon ouvrier deviendra contremaître, la secrétaire cadre, ou l'ingénieur manager, ils ne pourront faire l'économie d'apprendre le nécessaire management. Ajouté à leurs compétences et expériences professionnelles, ils comprendront l'impact de leurs décisions sur ceux qui les reçoivent. Le maniement d'un outil ou d'une technique ne nécessite pas les mêmes apprentissages que l'organisation des hommes au travail. Pour donner du sens, pour devenir des pédagogues du travail, il faut à nouveau accepter, d'être un élève, d'enchérir la faiblesse de ses certitudes et la richesse de ses doutes.
 
 
3- C'est pour bientôt !

 Si le monde du travail s'est profondément modifié en quarante ans l'homme au travail est doué des mêmes sens et de la même intelligence, à la condition d'en libérer l'expression. Ce sont les méthodes d'organisation qui ont volontairement détourné ce sens et cette intelligence du travailleur à des fins cupides. Les pourfendeurs du bon sens ont cru que l'endoctrinement idéologique et la terreur pouvaient être sans limite afin d'obtenir des ressources humaines le meilleur des profits - profits devant être entendu ici comme une rentabilité financière. Ils arrivent au bout de la course. L'histoire de l'homme est ainsi faite que le totalitarisme ne peut survivre au bon sens. C'est une période du capitalisme qui s'achève et qu'il faut donc accompagner. Il y aura bien toujours les bourreaux du travail qui ne voient en l'homme que le privilège qu'ils peuvent en tirer. Mais progressivement les modes de management plus modernes, plus humains gagnent du terrain dans le monde de l'entreprise. Le travail reprendra toutes les couleurs de l'intégration, de l'utilité sociale, de l'émancipation du plus grand nombre.
 
Parce que les hommes sauront vaincre la barbarie, le travail sera à nouveau source de bien-être.
 
Ce n'est pas une veine espérance. Elle fut exprimée par le grand économiste Anglais John Maynard Keynes en 1930 par ces mots:
 « Quand l’accumulation de la richesse ne sera plus d’une grande importance sociale, de profondes modifications se produiront dans notre système de moralité. Bien entendu, il y aura encore bien des gens dotés « d’intentionnalité » puissante et inassouvie, qui poursuivront aveuglément la richesse, à moins qu’ils ne sachent trouver un substitut acceptable. Mais nous ne serons plus obligés de les applaudir et de les encourager ». Il se réjouit de voir se réaliser dans un avenir pas si lointain, « le plus grand changement dans les conditions matérielles de la vie des êtres humains se fera graduellement, et non pas en un bouleversement soudain. Le cours de l’évolution tiendra simplement en ce que les classes sociales toujours plus larges et des groupes humains toujours plus nombreux seront délivrés pratiquement de la nécessité économique ».[16]
 
Il pense qu’un siècle sera nécessaire pour nous mener à la lumière du jour.  C’était en 1930 ! Nous sommes en 2013 ! Le management, et bien sûr son entreprise, vont progressivement reprendre le chemin du bon sens.  Il faut s'y préparer.
 
 
Denis Garnier
avril 2013

[1] Les N+1 sont les cadres de proximités directs, le N+2 étant juste au dessus.
[2] Le lean management met à contribution tous les acteurs pour éliminer les gaspillages qui réduisent l'efficacité et la performance. Il va donc s'attaquer aux  formes de gaspillage. Par exemple, il considère les absences au travail comme du temps gaspillé, les personnels administratifs comme des improductifs., etc., etc.
[3] "L'Open Space m'a Tuer" Alexandre des Isnards et Thomas Zuber, Hachette Littératures - 2008
[4] « Travailler à en mourir » de Paul Moreira et Hubert Prolongeau - Editions Flammarion 2009
[5] Christophe Dejours et Florence Bègue : « Suicide et travail : que faire ? » Presses Universitaires de France, 2009-p26
[6] Michel Gollac est chercheur au centre de recherche en économie et en statistique, président du collège d’expertise sur le suivi statistique des risques psychosociaux du travail - audition sénat du mercredi 24 février 2010
[7] Marie Pezé, «Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés», aux éditions Pearson-2008
[8] Alexandre Jardin « Des gens très bien »  Editions Grasset et Fauquelles et Alexandre jardin – 2010 - p23
[9] Philippe Davezies  5ème colloque Fonds National de Prévention - article paru dans  http://fo-sante.org/
[10] Hannah Arendt philosophe « Les Origines du totalitarisme » (1951) tome III- « Le système totalitaire » –éditions Le Seuil 1998.
[11] Rapport Bien-être et efficacité au travail présenté par Henri Lachmann, Président du Conseil de surveillance de Schneider électric, Christian Larose, Vice-président du CESE, et Muriel Pénicaud, directrice générale des ressources humaines de Danone.
[12]  "Pour une prévention durable des risques psychosociaux dans les fonctions publiques territoriales et hospitalière". Rapport issu du groupe de travail réuni à l’initiative  du Fonds national de prévention de la CNRACL  et animé par Sciences Po Bordeaux  4 mars 2013. La CNRACL est la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers
[13] Loïck ROCHE, directeur-adjoint, directeur de la pédagogie et doyen du corps professoral de l’école de management de Grenoble.
[14] Dominique Steiler, Docteur en psychologie et management de l’université de Newcastle : John Sadowsky, diplômé de Stanford, titulaire d’un Doctorate in Business Administration de l’université de Newcastle : Loïck Roche, (voir ci-dessus). Ils sont tous les trois auteurs de l’ouvrage “Eloge du bien-être au travail » Presses universitaires de Grenoble -2010
[15] Yves Clot "Le travail à coeur"  Editions La Découverte - Paris, 2010.
[16] Dans The Nation and Athenaeum, 11 octobre 1930
 
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8 avril 2013 1 08 /04 /avril /2013 12:14

 

Il est professeur. Il consacre sa vie à ce qu’il appelle « l’énigme du travail » et à la psychodynamique du travail. Il n’est pas seul et cite souvent ses pairs auprès desquels il prend la posture d’un élève. Il sait qu’il ne peut pas tout savoir. Alors il observe, il écoute et raconte. Philippe Davezies est un militant du bon travail. Il vient d’exposer quelques aspects de ses recherches lors du 5ème colloque du Fonds National de Prévention qui s’est déroulé à Bordeaux le 26 mars 2013.

 

 

 

Une tension sur les critères d’évaluation :

 

 « Les salariés ne font pas toujours ce qu’on leur demande et c’est pour cela que ça marche ! C’est pour cela que le travail est un facteur de développement » Le salarié contraint, à tous les niveaux de la hiérarchie, est moins dynamique que le salarié libre d’organiser le travail prescrit.

 

Dans ce contexte de crise économique, la qualité devient un enjeu qui engage le débat avec les ouvriers, les techniciens, les ingénieurs d’un coté et de l’autre les managers qui souhaitent produire au moindre coût. « Si la qualité est abandonnée au profit de la rentabilité, à terme, l’entreprise fermera. »

 

 

 

L’intensification du travail :

 

 « Intensifier le travail, ce n’est pas faire la même chose plus vite ! A chaque niveau de pression on change le travail. Ce n’est pas ce que l’on fait qui fait mal, mais ce que l’on ne peut plus faire. Alors travailler c’est trier ! C’est une forme d’individualisation du travail qui impose les arbitrages. Il faut se débrouiller seul. Ainsi on entre dans une tendance de dissolution des critères communs définissant le bon travail. Le bon travail selon l’ouvrier ne sera pas le même que le bon travail évalué par le manager. Et c’est là une source de conflits majeurs qui pourrait être évités avec un peu de bon sens.

 

 

 

Discuter sur le travail :

 

 Ce n’est pas facile. L’obscurité de l’activité est un obstacle majeur. L’homme est ainsi fait qu’il est doué d’émotions et de sensations qui lui permettent de s’adapter en permanence. Le travail est certes le produit d’un objectif fixé, mais la manière de bien le réaliser sera différente selon les individus. Il est ainsi constaté que la manière de bien travailler, la manière dont le salarié va appréhender le travail et le réaliser sera différente d’un salarié à un autre. Pourtant tous les deux travaillent bien et seul le résultat devrait être observé.

 

D’où l’importance d’une réflexion sur l’activité. Nous sommes plus conscients de ce que l’on a raté de ce que l’on réussit. Il ne viendrait à l’esprit de personne de se réveiller la nuit pour dire « j’ai bien fait mon travail ». Par contre le contraire est bien présent.

 

 

 

 

Le conflit avec le chef :

 

 

Il faut que le salarié puisse exprimer ses propres normes sur le bon travail. Or en l’empêchant de le faire il va se réfugier dans le langage commun, le prêt à penser, les phrases généralistes toutes prêtes qui vont stigmatiser les positions et parfois ouvrir la voie du conflit. Ne pas autoriser ou ne pas inviter à parler du bon travail ne peut que générer du stress, des tensions dont il est très difficile de sortir.

 

 

 

 

Construire des espaces de dialogue :

 

 

Il ne faut pas hésiter à se confronter sur le travail. C’est sain. Il faut le faire au plus près du travail. Il ne s’agit pas simplement de discuter mais d’échanger pour produire des règles.

 

La recherche de ce débat avec les organisations syndicales dans ce but est essentielle.

 

En, conclusion pour le professeur Philippe Davezies, le bien-être au travail ne peut être que le résultat du « bien travailler » !

 

 

je serais très heureux d'accueillir le Professeur Philippe Davezies dans le cadre des conférences que j'anime au salon préventica de Lyon le 25 septembre 2013.

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2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 09:56

insecurite-travail.jpgParlons de Traumatismes de l'Organisation du Travail (TOT)

 

 

Comme le soulignent certains chercheurs le terme « Risques Psychosociaux » renvoie une image négative du travail, pointe, comme le « stress », une dimension essentiellement individuelle et médicalisée (burn out), culpabilise l’individu et non les institutions (ticket Psy…) et enfin et surtout, débouche trop souvent sans solution à court et long terme. Vincent de Gaulejac par exmple préfère parler de harcèlement, de violence, de souffrance psychique et de souffrance sociale. « La notion de risques psychosociaux neutralise les enjeux de pouvoir et de conflit. » [1]

 

Il est donc préférable d'utiliser une expression qui se rapproche de la réalité.

 

 

 

Mais de quoi s’agit-il ?

 

Il est reconnu depuis longtemps que les « risques psychosociaux » sont à l’origine des Troubles Musculo Squelettiques (TMS).  Troubles ? Troubles du coude, de la main, du dos ? Ne s’agit-il pas davantage de traumatismes ? Il y a donc des traumatismes physiques, que nous pourrons continuer d’appeler, TMS, Traumatisme-Musculo-Squelettiques.

 

 

Ensuite nous connaissons un Ensemble des troubles psychiques ou psychosomatiques, ou psychologiques provoqués accidentellement par un agent extérieur au travailleur. C’est la définition des traumatismes Psychiques. (Blessures émotionnelles) Le stress post traumatique par exemple est une forme particulière et sévère de stress dépassé. Il peut apparaître lorsqu’une personne a vécu un événement traumatique, également dénommé incident critique.

 

Enfin les dommages causés à la psyché sont des traumatismes psychologiques.

 

 

Il s'agit là de Risques Traumatiques du Travail (RTT) mais cet acronyme est déjà largement occupé, n'est ce pas ?

 

Lorsqu’il s’agit de rechercher les causes de ses divers traumatismes dans le monde du travail, il apparaît qu’ils ont tous pour origine l'organisation du travail.

 

 

 

Par organisation du travail, on entend généralement la durée, les effectifs, les plannings, l’aménagement du temps de travail, la rémunération, la définition du contenu du poste et des résultats attendus, l’organigramme, les processus d’évaluation et de contrôle du travail, les restructurations, le recours à la sous-traitance, les rapports sociaux, l’impact de l’activité de l’entreprise sur le voisinage et l’environnement, le statut, etc.

 

Donc puisque ces traumatismes physiques, psychiques, psychologiques sont la conséquence de l'organisation du travail, acceptons l’expression de « Traumatismes de l’Organisation du Travail » (TOT)

 

 

 

C'est certainement une autre voie pour en finir avec les risques psychosociaux !

 



[1] Vincent de Gaulejac. « Travail : Les raisons de la Colère » –éditions du Seuil-mars 2011-p 66

 

 

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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 09:24

Audition de Denis Garnier au Conseil Economique Social et Environnemental, (CESE) devant la section du travail et de l'emploi dans le cadre d'une table ronde avec les 5 confédérations syndicales et Jean Auroux, ancien Ministre du Travail.

 

 

« On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré. »

(Albert Einstein)

 

Avant propos :


Les RPS : un marché...

                                                                                        

La prévention des RPS est devenue un marché !

Savez-vous par exemple que la prévention des RPS engloutie 40% des crédits nationaux attribués pour des Contrats Locaux d’Amélioration des Conditions de Travail (CLACT) dans les établissements hospitaliers. Que 90% de ces crédits servent le financement de prestataires externes et de formation.(Consultants, experts, etc.) [1]

Peut-être faut-il un œil externe pour mieux comprendre les maux de l’entreprise. Mais le conseil ou l’expertise ne sont utiles que si l’employeur et les représentants du personnels s’engagent sur les futures conclusions.

 

Pour quels résultats ?

 

Parallèlement les derniers chiffres de l’absentéisme sont tombés pour le même secteur de la santé:

“En 2011, les agents hospitaliers sont plus nombreux à s'arrêter (+7%), plus souvent (+12%) et pour des durées d'arrêts plus longues (+10%) qu'en 2007"

           Les accidents de travail + 9,21%,

           Les accidents trajet-travail + 33,33%,

            Les maladies professionnelles + 25%[2]

 

 Il suffit de regarder les projets de prévention des risques professionnels pour s'apercevoir que les indicateurs de suivi sont, soit inopérants, soit inexistants.

La raison ? Les informations qui servent la prévention sont négligées, voire boycottées.

Un distributeur de monnaies de n'importe quel coin du globe peut valider votre code de carte en quelques dixièmes de seconde. Dans le même temps il est impossible de renseigner avec précision le nombre de jours d'absence par indicateur dans une entreprise ou une administration.

Ce n'est pas une fatalité, mais une volonté. Il n'y a qu'à examiner l'état des données dans la Fonction Publique pour comprendre que la prévention des risques professionnels est à la santé ce que le SDF est au logement.

 

Sans observation la prévention devient impossible.

 

Mettons nous d'accord sur les mots :

 

Comme le soulignent certains chercheurs le terme « Risques Psychosociaux » renvoie une image négative du travail, pointe, comme le « stress », une dimension essentiellement individuelle et médicalisée (burn out), culpabilise l’individu et non les institutions (ticket Psy…) et enfin et surtout, débouche trop souvent sans solution à court et long terme. Il est donc préférable d'utiliser ceux qui se rapprochent de la réalité et en ce sens l’expression de Traumatismes des Organisations du Travail. (TOT) est plus appropriée.

Traumatismes parce qu’il est reconnu depuis longtemps que les « risques psychosociaux » sont à l’origine des Troubles Musculo Squelettiques (TMS). 

Il y a donc des traumatismes physiques (TMS),  des traumatismes Psychiques, (blessures émotionnelles) et des traumatismes psychologiques. (Dommages causés à la psyché)

Lorsqu’il s’agit de rattacher ses traumatismes au monde du travail, il apparait qu’ils ont tous pour origine les organisations du travail.

Par organisation du travail, on entend généralement la durée et l’aménagement du temps de travail, la rémunération, la définition du contenu du poste et des résultats attendus, de l’organigramme, les processus d’évaluation et de contrôle du travail, les restructurations, le recours à la sous-traitance, les rapports sociaux, l’impact de l’activité de l’entreprise sur le voisinage et l’environnement, etc.


Donc puisque ces traumatismes sont la conséquence des organisations du travail, acceptons l’expression de « Traumatismes de l’Organisation du Travail ». (TOT)

 

 

Les causes des Traumatismes de l'Organisation du Travail.(TOT)

 

Les vraies causes externes :

 

Elles sont avant tout la partie apparente de l’iceberg du libéralisme économique. Ces traumatismes de la nouvelle organisation du travail sévissent dans tous les pays industrialisés et ce depuis la fin des années 70. (Karasek -1979)   Ce n'est donc pas un mal Français, même si la perception du travail et la place qu’il occupe en France est peut être plus prégnante que dans d’autres pays.

C’est parce que le travail est devenu une source de rente pour ceux qui ne l'exercent pas et donc, qui n’en subissent pas directement les conséquences humaines et financières, que les entreprises ont été transformées en outils spéculatifs. L’employeur n’est plus directement identifié. Les ordres sont imposés d’ailleurs et le seul objectif de l’entreprise est désormais la création de profits pour récompenser les fonds de pensions, les banques et les assurances, etc. ou, plus directement pour certains, augmenter sa fortune.

Cette gestion touche d'abord tous les secteurs d’activités de la production. Le toyotisme triomphe. (zéro défaut, zéro délai, zéro temps mort, ...Lean management, etc.)

Les entreprises s'engagent dans la compétitivité en recherchant par tous les moyens une augmentation de la productivité et donc, de la performance financière à servir aux actionnaires. Ensuite, essorées, elles sont déportées dans les pays au bas coût de main d'oeuvre. Les sous traitants sont emportés dans le même cycle.

En somme, l’économie est devenue intrinsèquement un virus, ou plutôt  un cancer, où la dégénérescence d’une cellule se communique à sa voisine, et ainsi de suite jusqu'à l’asphyxie totale des tissus économiques, sans que personne ne puisse enrayer le processus. 

 

Cette nouvelle organisation de l'économie va progressivement gagner tous les secteurs d'activité au point de voir les "avantages" des uns compensés par la perte d'emploi des autres.

 

Les conséquences sont directes : chômage pour les uns, troubles psychologiques et mal-être pour les autres, la précarité servant de liant entre les deux traumatismes.

 

Après les entreprises, cette prédation financière poursuit désormais son offensive, directement  contre les Etats. Les profits sont privatisés (actions, Stock options, parachute dorés, etc.) et les pertes mutualisées (dettes,  impôts, taxes..).

Les méthodes de management de la production industrielle sont progressivement introduites dans tous les secteurs d'activité. Dans le fonctionnement de l'Etat, sans aucun débat, ni public, ni parlementaire, sans dialogue avec les "partenaires sociaux", concocté par quelques libéraux débridés, la RGPP organise la conversion des services publics vers le secteur marchand. Le gouvernement actuel change les mots et rebaptise la RGPP en MAP, (Modernisation de l’Action Publique) « Avec la RGPP, on vous coupait un bras; avec la MAP on vous demande de choisir lequel et de le faire vous-même !» (JC Mailly)

Ainsi dans tout le secteur public, les indicateurs de quantité remplacent ceux de la qualité.

L'hôpital que je connais bien est désormais condamné à trier les malades entre le coûteux et le rentable.

Le plus désastreux dans tout cela est l’absence de publicité autour des alternatives dont nous disposons pour cesser cette logique du « marche ou crève » et de l’austérité. Des économistes travaillent sur des éléments intéressants pour sortir du paradigme capitaliste ultra libéral, mais personne ne leur fait la publicité qu’ils méritent. La peur d’être taxés d’idéalistes ? Ou tout simplement parce que le négativisme économique est plus vendeur que la solution positive qui en découle ?

Le FMI ne vient-il pas de reconnaitre son erreur de calcul pour l’impact négatif de l’austérité sur la croissance ?

 

 

Fausses causes internes : (elles sont  les conséquences de la première.)

 

Bien sur,  tout ne découle pas de la crise et de la gouvernance économique. La contrainte qui pèse sur le travailleur peut avoir de multiples effets, ou pas d'effet du tout,  selon la nature même du travailleur. Il faut donc admettre que le phénomène de la souffrance au travail n'est pas nouveau. Zola racontait cela.  Pour vivre dignement, il faut se nourrir, se loger et bénéficier d'un minimum de confort et d’intégration. Le travail doit permettre tout cela. C'est une servitude volontaire qui ne doit pas se transformer en contraintes multiples au point d'en perdre et sa personnalité et sa santé et parfois sa vie.

 

Alors, en quoi, en 2013, les contraintes du travail seraient différentes et plus dangereuses que celles du passé ? Comment se présentent-elles ? Comment les aborder et les traiter ?

 

C'est ainsi qu'est apparu le terme générique de risques psychosociaux. Les salariés auraient de plus en plus de mal à supporter les contraintes psychologiques du travail.

"Ils amènent leur problèmes personnel au travail" disent nombre d'employeurs. Ces mêmes qui fournissent les téléphones portables, ordinateurs, etc., pour que les salariés deviennent partie intégrante de l'entreprise. Les cadres sont les plus concernés. (Besseyre des Horts et Isaac, 2006).  Mais lorsque le travail va mal, le travailleur va mal. Il ramène le travail et ses maux à la maison. Et, lorsque tout explose parce que la situation devient insupportable, alors  le même précise " Il avait des problèmes personnels". La boucle est bouclée !

Ou alors, pour se protéger, le travailleur va progressivement se désengager du travail, se mettre en retrait de la passion qui l'animait, à l'abri du traumatisme qui le guette. "Je fais mes heures,  point barre !" C'est la consécration du je-m'en-foutisme !

Les bourreaux du travail sont  sans le savoir, les architectes du je-m’en-foutisme !

De nombreux rapports ont été rédigés pour comprendre, analyser, proposer des solutions. Leur mérite est de rendre accessible au plus grand nombre des savoirs qui ne l'étaient pas forcément. Si l'on reprend l'excellence (c'est mon avis) des travaux du collège Gollac de 2011, - qui s’ajoute a celui de LACHMANN, Christian LAROSE et Muriel PENICAUD - Février 2010 -  les contraintes traumatisantes qui pèsent sur les travailleurs peuvent être classées en six dimensions :

 

  1. Intensité et temps de travail
  2. Exigences émotionnelles
  3. Manque d’autonomie et de marges de manoeuvre
  4. Rapports sociaux au travail
  5. Conflits de valeur
  6. Insécurité de la situation de travail

 

Au premier abord, nous pouvons constater que ces contraintes ne sont pas nouvelles. Elles sont aggravées du fait des vraies causes externes au point que des salariés n'en supportent plus les conséquences.

Les traumatismes physiques de l’industrie vieillissante mutent en traumatisme psychique et psychologique œuvre du « new public management ».  

 Renault, France-Telecom, furent les révélateurs d'un mal-être généralisé dans le monde de la production et du service. Et c'est à partir de là que les Traumatismes de l'Organisation du Travail, que les RPS, les CPO - selon les mots choisis - apparaissent véritablement comme les conséquences d'un système qui maltraite les travailleurs. (gestion par les stress..)

 

Donc, fort des conclusions du collège Gollac et des autres rapports qui font l'unanimité de la communauté scientifique, l'organisation syndicale, avec les moyens que le droit lui donne, va tenter de convaincre l'employeur de prévenir ces traumatismes pour qu'il assure la santé physique et mentale des travailleurs qu'il emploie. L'employeur doit assumer ses obligations !

Et c'est à partir de là que la lutte contre les traumatismes de l'organisation du travail va s'apparenter au bal des faux culs. Les RPS sont agités pour se donner bonne conscience et la contrainte des organisations abreuve toujours les traumatismes du travail.

 

Si l'on devait résumer en une phrase l'état actuel de la lutte contre ces traumatismes menée par les acteurs de la nouvelle économie on écrirait : « Je vais vous expliquer ce que vous avez et ainsi vous irez mieux"

Rappelons que 90% des fonds dépensés pour ces risques servent à financer, soit des études, soit des formations. Les nouvelles organisations apaisantes du travail sont ignorées. (Slow management)

La véritable espérance pour réduire les traumatismes du travail sera l'avènement de la qualité du travail.  

 

Qu'est-ce qui empêche la qualité ? Là est la question que toutes les unités de travail doivent se poser et traiter.

 

 

 

Maintenant, nous pouvons aborder les questions posées par la section du travail du CESE :

Propositions encadrées

 

CESE 1°/  - Estimez-vous que les représentants du personnel soient suffisamment associés à la démarche d’évaluation des risques ainsi qu’à l’élaboration des plans de prévention ? 

 

Tout dépend de la taille de l'entreprise, de son secteur d'activité, de ses moyens, des dangers potentiels qu'elle côtoie. Le rôle des représentants du personnel dépend essentiellement de cet environnement. De plus, s'il y a un ingénieur sécurité, un médecin du travail, un ergonome et un psychologue du travail, le rôle des représentants du personnel sera grandement facilité. S'il n'y a aucun de ces acteurs, l'entreprise est donc plus petite et toutes les compétences seront concentrées sur deux ou trois représentants du CHSCT qui n'auront que 5 heures par mois pour observer, comprendre et agir !

 

Un CHSCT de secteur serait peut-être une piste à aborder pour tendre à couvrir l’ensemble des salariés des entreprises de moins de 50 salariés. L’aspect environnemental du travail doit relever de la compétence des CHSCT (transport, parking, restauration, crèche, etc.) et devrait associer les collectivités territoriales. Un CHSCT de canton ?

 

S'agissant du traitement des Traumatismes de l'Organisation du Travail, globalement nous en sommes à l'âge de pierre. Quelques initiatives sporadiques permettent d'espérer un monde meilleur dans les 20 ans qui viennent.

Les Collectivités territoriales, gérées par les élus locaux et nationaux illustrent parfaitement l'intérêt porté à la prévention des risques professionnels. Selon la récente synthèse n° 53 publiée en décembre 2012 par l’Observatoire du CNFPT sur « la santé au travail et les risques professionnels des agents territoriaux en 2009 », seules 23 % des collectivités avaient à cette date réalisé leur document unique de prévention des risques, pourtant obligatoire depuis 2001 !

Si le pouvoir ne montre pas l'exemple il lui est difficile par la suite d'imposer quoi que ce soit.

 

 

CESE 2°/ - Bilan de l’action des CHSCT

Le CHSCT qui est une instance essentielle de la prévention des risques professionnels a parfois du mal à se positionner et à faire face à l’élargissement continu de ses missions. 30 ans après leur création, quel bilan peut-on dresser de leur action et quelles évolutions envisageables pour les CHSCT ?

 

Le CHSCT, ancien CHS est un outil de droit formidable. Ses origines remontent à 1890 dans les mines pour se traduire par des comités d'hygiène et sécurité qui deviendront des CHSCT par la Loi de 1982 (Loi Auroux).

Le droit est clair. L'employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs (article L4121-1).  Le CHSCT contribue à cette action. (article L4612-1)

 

Donc, l'employeur et le CHSCT sont unis par les liens de la loi, pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs.

 

Le CHSCT est un partenaire indispensable à l'employeur pour qu'il puisse remplir ses obligations. C'est pourquoi la Loi demande à l'employeur de tout mettre en œuvre pour aider les membres du CHSCT. Lorsque l'employeur entrave l'action du CHSCT c'est un peu comme si un salarié ne venait pas travailler. Il est donc évident que tout doit être mis en œuvre pour faciliter le travail des membres du CHSCT.

Maintenant que tout cela est clair il ne reste plus qu'à passer à la pratique. Ce n'est donc pas une question de droit nouveau mais une question de respect du droit.

 

Dans tous les secteurs où les pouvoirs publics veulent assurer le respect du droit il y a contraintes, sanctions, condamnations. Le code de la route en est la parfaite illustration. En ce qui concerne le code du travail, il n'y a aucune volonté des pouvoirs publics de sanctionner les atteintes à la santé physique et mentale des travailleurs. Ils se heurtent à la compétitivité des entreprises, à la productivité, et sur ce point, tout est permis. Quel est l’employeur qui a séjourné en prison pour mise en danger d’autrui ? Pourtant le droit existe !

D'ailleurs, le gouvernement montre l'exemple. Sans reparler de la RGPP, ni des collectivités territoriales, ni de la fonction publique de l’Etat qui est un désert de prévention, observons la situation de l'hôpital.

Avant les Agences Régionales de l'Hospitalisation (ARH) et donc avant la Loi HPST, lorsqu'un établissement hospitalier prenait quelques distances avec le droit des agents, la DDASS, la DRASS exerçaient un rappel à l'ordre et, si nécessaire, le Ministère concerné en dernier recours faisait appliquer le droit.

Aujourd'hui ces niveaux d'interventions n'existent plus et n'ont pas été remplacés. Un directeur hospitalier qui ne réunit pas son CHSCT, qui ne tient pas compte de ses avis, qui maltraite ses représentants, qui refuse d'accorder le temps nécessaire à la mission du CHSCT, etc. ne peut être sanctionné par personne. L'Agence Régionale de Santé découlant de la Loi HPST est totalement désintéressée de ces pratiques et n'a pas les moyens de les contrer.  Seul le juge pénal, et s'il y a un mort, et à condition que toutes les procédures soient scrupuleusement respectées, peut condamner un employeur public pour mise en danger d'autrui, avec un résultat dix ans après le drame dans le meilleur des cas ! Soit : du jamais vu !

 

DONC :

Après de multiples réflexions sur le meilleur moyen d'intéresser les employeurs à la protection de la santé physique et mentale des salariés, il apparaît que seule la sanction financière directe puisse conduire ces derniers à remplir leurs obligations. C’est d’ailleurs une pratique utilisée pour contraindre les salariés à respecter les règles et surtout les objectifs. (évaluation individuelle, intéressement, etc.)  Il serait bon que les mêmes « contraintes » leur soient appliquées. Ainsi, la faute personnelle de l’employeur doit être reconnue et sanctionnée, comme l’est celle du salarié fautif, ou du conducteur imprudent.

La rémunération d'une partie des primes et intéressements divers devraient se rapporter à des indicateurs de bien être au travail. (Absentéisme, turnover des personnels, nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles, nombre d'emplois précaires, etc.) C’est une idée qui doit avancer.

Rappelons que l’application du code de la route par la répression, des contrôles de vitesse, de l’alcoolémie au volant,  la limitation de vitesse, etc. a conduit en 2012 au plus bas niveau de tués depuis 1948, année où ils ont commencé d'être officiellement comptabilisés.  Pouvons-nous faire la même chose pour la prévention des risques professionnels ?

En conclusion sur ce point, le bon fonctionnement du CHSCT dépendra essentiellement de l'intérêt que les acteurs porteront à la santé et la sécurité des travailleurs.

 

 

 

CESE  3°/ - Lieux de discussion sur les pratiques professionnelles

De nombreuses études montrent que les lieux de discussion ou d’expression sur les pratiques professionnelles tendent à se réduire sous la pression, notamment, des nouvelles méthodes de management. Face à ce constat, comment développer ces espaces de discussion autour de la santé au travail ? Doit-on s’inspirer pour cela de l’expérience des cercles de qualité ou de celle du droit d’expression anciennement issu des lois Auroux ?

                       

 

S'agissant des Traumatismes de l’Organisation du travail et pour rester dans le cadre de l'avis à émettre du CESE, les nouvelles méthodes de management qui découlent des vraies causes externes relevées ci-dessus, doivent être profondément modifiées.

Il faut remettre le travail à coeur, c'est à dire s'attacher à la qualité de son résultat et moins au rendement financier qu'il procure.

Si l'on reprend les six dimensions des traumatismes liées à l'organisation du travail, (collège Gollac-2011), on peut noter que dans les réponses à apporter, nombreuses sont celles qui nécessitent des espaces d'échanges entre les professionnels pour parler du travail et de ses difficultés.

Donc la première des revendications pour chaque équipe de travailleurs est : "un peu de temps, un lieu, une table, des chaises !" Quels sont les unités de travail qui sont équipées ainsi ?

En second lieu il convient de reconsidérer les rapports au travail. Lorsqu'un salarié fait part d'un problème, d'un dysfonctionnement à son cadre, son N+1,  il ne mérite pas une sanction ou une réprimande, comme c'est trop souvent le cas en France ; "de quoi tu te mêles ? C'est moi le chef ! Je sais !"...

L’information sur un dysfonctionnement doit faire l’objet d’un débat, pas d’un procès ! Pour cela la formation des « managers » doit s’enrichir des sciences sociales, de philosophie, de sociologie et d’ergonomie.

 

Il ne semble pas que les ateliers formels, les cercles de qualité et toutes ces instances fabriquées pour occuper les esprits plus que pour traiter les problèmes, soient des éléments probants des changements attendus.

Le vrai changement passera par la concentration des attentions, des employeurs, des cadres, et  de tous les salariés, sur la qualité du travail. Pour cela je confirme, il faut d’abord : un peu de temps, un lieu, une table et des chaises.

Lorsqu'une infirmière d'une clinique privée arrivera à stopper un médecin sans crainte parce qu'il n'aura pas respecter la procédure de lavage des mains avant une opération, lorsqu'un ouvrier sera récompensé pour avoir contribué à une amélioration de la qualité du travail au sein de son entreprise, nous aurons fait du chemin vers l'apaisement des contraintes qui traumatisent aujourd'hui le monde du travail.

 

En conclusion, tout dépend des hommes !

audition devant la section du travail et de l'emploi du Conseil Economique Social et Environnemental - 30 janvier 2013 -



[1] Chiffres ministère de la santé –DGOS- – bilan ces CLACT du 6 juillet 2010 au 5 juillet 2011.

[2] Source : bulletin de prévention n°9 du Fond National de Prévention de la CNRACL

 

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21 décembre 2012 5 21 /12 /décembre /2012 08:11

wc-bureau.pngCette image est la parfaite illustration du résultat pratique du "lean-management".

 

Un chef,  qu'il soit d'entreprise ou de quelques ouvriers, ou simplement dans sa tête, en fait, "un manadger" - comme ils disent -, adepte du lean, doit adopter le modèle de ce trone, spécial "lean-management" pour crédibiliser sa démarche. 

Sa devise: Ne laisser aucun temps échapper à la productivité.

 

 

Le lean management est une méthode pratiquée au sein des usines Toyota (Toyota Production System) au cours des années 70. Elle est exportée partout, même au sein des services publics dans laquelle elle commence à produire d'immenses dégats.

 

La diminution des stocks, la lutte contre les gaspillages et la réduction des défauts, le juste à temps, la production à flux tirés et la maîtrise des délais, la flexibilité et la gestion efficace des compétences, tout comme la réduction des coûts, sont parties intégrantes de la démarche.

 

 

Alors si votre chef est un adepte du "lean-management" proposez lui un trône adapté !

 

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7 décembre 2012 5 07 /12 /décembre /2012 07:59

 

Parler du travail

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